Si
vous espérez, un jour, transmuter le plomb en or, ce n’est pas moi qui vous
donnerai la formule. En alchimie on dit : « Si tu cherches à faire de
l’or, tu ne trouveras jamais. Et si tu sais en faire, tu n’en as plus besoin. »
Alors nous allons plutôt refaire la création du monde ensemble avant de parler
d’alchimie…
Pour
l’alchimiste, il y a d’abord l’unité, c’est-à-dire un éternel moment présent. Tout
et rien. Pour une raison qu’on ignore, quelque chose s’agite dans cette
immensité, et dès l’instant qu’il y a agitation, il y a différence. Cette
différence, c’est celle qu’il y a entre le dedans et le dehors.
Peut-être
qu’ici nous sommes à l’intérieur de la matière, et qu’à l’extérieur il y a ce
qu’on appelle la lumière. Et puisqu’il y a une différence entre l’intérieur et
l’extérieur, on peut dire que le but du jeu, ou le but du « je » pour l’alchimiste, c’est qu’il
n’y en ait plus.
Dans
toutes les voies, on vous demande de persévérer – « percez et vous verrez ».
Mais percer quoi, et pour voir quoi ? L’alchimiste utilise volontiers le
langage des oiseaux. C’est un langage très volatil qui va nous permettre de
comprendre un certain nombre de choses.
Que
cherche l’alchimiste ? La même chose que vous : le bonheur. Le
bonheur, c’est la bonne heure. C’est être à la bonne heure qui est le moment
présent. D’ailleurs, quand vous faites un cadeau à quelqu’un, c’est toujours un
présent, jamais un passé ni un futur.
Mais
tout cela, c’est de la philosophie… D’ailleurs, en alchimie, on parle de pierre
philosophale et pas de pierre technique. L’alchimie s’appelle le Grand Art et
pas la grande méthode. Donc, forcément, c’est romantique, c’est poétique. Et
finalement, l’art n’est-il pas une fenêtre ouverte vers le centre, c’est-à-dire
quelque chose qui nous rend heureux ?
Nous
verrons qu’il y a un étrange rapport entre le bonheur et l’immobilité. Notre
quête, c’est peut-être l’immobilité – je n’ai pas dit l’immobilisme. Imaginez
un grand sage, il est forcément immobile, on ne le voit pas bouger ailleurs.
C’est comme les pierres : elles sont bien plus proches de l’unité que
nous. Pourquoi ? Parce qu’elles ne bougent pas.
Ce
constat nous dit que, finalement, la création est l’agitation de l’immobile. Il
n’y avait rien, et puis il y a eu un premier mouvement. Et dès qu’il y a eu un
premier mouvement, il y a eu une première onde, et cette première onde s’est
retournée sur elle-même, et en se retournant sur elle-même, elle a créé la
première forme. Pour vous rendre compte, mettez une poignée de sable sur une
enceinte acoustique et faites un son. À ce moment-là, le sable prend une forme.
Et si vous changez de son, le sable change de forme. Qui est le plus important,
le son ou le sable ? Si le sable change de forme, c’est grâce au son. Et si
c’était valable pour nous aussi ? Peut-être ne sommes-nous qu’une chanson
qui tourne, et peut-être que chaque chose autour de nous n’existe que parce qu’il
y a un plan de cette chose. Si je prends une bouteille, que je la secoue et qu’elle
reste une bouteille, c’est que dedans il y a un plan de bouteille. Alors le
plus important, ce n’est pas la matière mais le plan qu’il y a derrière.
Tout
cela nous mène à des applications pratiques. Sinon, à quoi ça servirait ? Je
vous rappelle que la création est l’agitation de l’immobile et que notre but est
de retrouver notre immobilité – encore une fois, je n’ai pas dit immobilisme. L’immobilisme,
c’est : je ne bouge pas et j’attends que les dieux me nourrissent. Ce n’est
pas du tout cela. L’univers nous agite, nous bouge. Et nous, nous allons faire
une re-flexion. Re-fléchir, ce n’est jamais intellectuel, c’est retrouver sa
voie du milieu en créant une énergie contraire à celle qui nous agite. Ce qui
implique que si vous êtes malheureux, si vous êtes malade, c’est parce que vous
êtes agité.
En
alchimie, on appelle cet état le soufre. Il y a trois principes en alchimie
pour trouver la pierre philosophale qui sera votre point d’équilibre. Il y a ce
qu’on appelle le sel, c’est ce qui est le plus fixe, le corps. Il y a le
soufre, c’est l’agitation. Et il y a le mercure qui est l’esprit. Ici, nous ne
nous intéresserons qu’au soufre : si vous gardez votre agitation, vos
émotions à l’intérieur de vous, vous allez souffrir puisque c’est le « soufre
en soi » – la souffrance – que vous avez à l’intérieur de vous.
Et la question est : comment allez-vous faire pour le dissiper, puisqu’une
maladie est une résistance au passage de l’information ? Et puisque si
vous êtes capable de faire passer l’information sans résistance, vous n’êtes
plus malade ? Votre corps a, en tout cas, toutes les capacités pour faire
circuler cette information.
Alors
comment peut-on dissiper son soufre ?
La
première méthode est celle qu’on utilise tous : la patate chaude, le
papier collant. Plutôt que de traiter nos propres émotions, on va les refiler à
notre voisin ! C’est l’histoire de la mère et de sa fille. La mère est
pleine de soufre, pleine d’émotions, elle ne sait pas quoi en faire mais, cela
tombe bien, elle a une fille sous la main. Comme elles ont ce lien, elle va lui
transmettre ses émotions. Comment cela se passe-t-il ? La fille va vouloir
faire quelque chose et sa mère lui répondra : « Laisse ! Je vais
le faire moi-même. » La fille qui avait préparé cette énergie ne va pas
pouvoir l’utiliser, puisque c’est sa mère qui va le faire, et cette énergie
finira forcément par se retourner contre elle-même…
Quand
vous êtes en colère, si vous prenez une pile d’assiettes et la jetez par terre,
vous cassez quelque chose. Mais si vous n’exprimez pas cette colère, l’énergie
qui cassait les assiettes, que va-t-elle produire sur vos propres organes ?
Le même effet que si vous preniez votre foie, le mettiez par terre, le piétiniez
et le déchiquetiez. Évidemment c’est beaucoup moins drôle quand on s’imagine
que ce sont nos organes plutôt qu’une pile d’assiettes !
Alors
la mère, se disant cela, va se mettre en colère contre sa fille, et la fille va
se charger du soufre de cette émotion. Ensuite, elle attrapera toutes les
maladies « rouges » : des inflammations, des brûlures… Et au
bout d’un moment, elle en aura littéralement ras-le-bol. Elle sera saturée de
ce soufre et elle dira à sa mère : « C’est bon, maintenant je coupe
les ponts ! » Pour la mère, c’était bien pratique d’éliminer son
soufre chez quelqu’un d’autre. Elle va donc lui dire : « Je peux bien
mourir, tu t’en fiches ! » Puis ajouter : « J’ai tout fait
pour toi ! » Et sa fille va entendre : « J’étouffais pour
toi ! » Alors, si elle se laisse avoir, elle va répondre :
« Bon, d’accord, pour cette fois, ça va ! » Et la mère dira :
« Je te préfère comme ça ! » Ensuite, la fille développera une
maladie qui, finalement, vient de sa mère.
Il n’y
a pas qu’avec les parents que ça marche, c’est aussi très efficace avec les
bons amis. Celui qui vous appelle et vous parle pendant deux heures, vous
raconte tous ses malheurs et une fois qu’il a fini, vous dit : « Ah !
Ça m’a fait du bien » et raccroche. Il vient tout simplement de vider ses
poubelles chez vous ! Et une fois que vous aurez raccroché, ce sera le
premier qui passe qui va prendre : votre conjoint, un enfant, un chien !
Car il va bien falloir dissiper le soufre, le donner à quelqu’un. Mais évidemment,
la colère que vous leur ferez ne sera pas la vôtre.
On le
voit, ces processus qui semblent purement intellectuels sont en fait
mécaniques. Et ce sont des processus qu’on utilise en alchimie…
Car
nous sommes à l’intérieur d’une sphère qu’on appelle la matière. À l’extérieur,
il y a la lumière. Et il y a une peau entre les deux. Cette peau n’existe pas
vraiment, c’est comme dans votre corps : il y a une énergie à l’intérieur,
et il y a quelque chose qui l’empêche d’entrer et de sortir. Pourtant, il n’y a
pas de peau. Il y a bien une peau physique mais ce n’est pas elle qui permet ou
pas à l’énergie de sortir. Ce qui le lui permet, c’est ce qu’on appelle l’ego.
L’idée est donc de faire des trous dans l’ego afin que ce qui est à l’intérieur
puisse aller à l’extérieur et inversement.
Pour
cela, il va falloir un clou. Et ce clou, c’est la pierre philosophale.
Revenons
à cette colère. On sait que pour être bien, il faut éliminer ses émotions. Mais
les éliminer ça ne veut pas dire les faire disparaître. L’énergie de cette
colère, on ne va pas la faire disparaître. On va la transmuter. C’est-à-dire que
d’une énergie qui détruit, il faut faire quelque chose qui construit. D’une
énergie qui fractionne, il faut faire quelque chose qui rassemble. Cela, c’est bien de l’alchimie.
On transmute les choses.
La
question est : comment y arrive-t-on ?
Il y
a trois règles, il y a trois passages, parce que nous faisons tout forcément
par trois. Ce qui est autour de nous s’appelle la matière – et vous allez
entendre « l’âme à tiers » : un tiers d’âme et deux tiers d’autre
chose, donc trois passages. D’ailleurs, quand vous avez fait trois passages…
vous trépassez ! Ce que je vous dis n’a aucun sens ? C’est normal,
puisqu’on cherche les sens – l’essence. Chercher un sens, c’est se priver de l’essence.
Et vous allez voir qu’il est important d’avoir plein de points de vue pour comprendre
les choses dans leur globalité.
Donc
pour être heureux, pour être bien, il y a trois conditions. Il faut être
immobile, silencieux et aligné. Et ça, ce sont des choses pratiques.
Immobile, pourquoi ? Parce que lorsqu’on
est immobile, on laisse passer l’information. Par exemple, pour utiliser des
supraconducteurs, on les refroidit afin que l’énergie puisse les traverser.
Mais refroidir un corps, ça le rend immobile. Donc, dès l’instant que c’est
immobile, l’information circule bien. La première question à se poser sera :
« Comment faire pour être immobile ? » Il ne faut pas oublier que
nous sommes des Occidentaux et que nous ne savons pas être immobiles. Nous
sommes plutôt dans l’agitation permanente. Vous avez déjà essayé de méditer,
vous ? De faire le vide dans votre esprit ? Cela dure combien de
temps, quinze secondes ?
Les Extrême-Orientaux,
eux, méditent, mais nous, on prémédite – dans le temps, dans l’espace, dans le
pourquoi, dans le comment… On se sert constamment de notre mental. Certes, le
mental est un outil extraordinaire, mais il est chronologique, il utilise la
logique du temps. Comment voulez-vous percevoir l’unité avec un outil qui fractionne ?
C’est impossible.
Donc
le premier travail qu’on va faire pour apprendre l’immobilité, c’est ce qu’on
appelle la contemplation. C’est simple, cela veut dire « l’ouverture du
temple » : vous vous mettez où vous voulez et vous ne faites rien –
difficile de ne rien faire, on a toujours envie de faire quelque chose. Mais vous
ne faites rien et, surtout, vous ne vous ennuyez pas – celui qui s’ennuie est « en
nuit » ! Donc vous vous mettez quelque part et vous vous contentez de
percevoir : vous laissez entrer tout ce qui entre et ne faites rien
d’autre. Voilà le premier travail du cherchant : ne pas vouloir faire
quelque chose, alors que nous, nous voudrions toujours faire quelque chose. C’est
cela être immobile.
Silencieux, pourquoi ? L’homme cherche
à se remplir de plein de choses – c’est bien pour cela que vous-même êtes en
train de lire ce texte… Il se remplit, mais la coupe est déjà pleine. Lorsqu’on
emprunte une voie, la première question qu’on devrait se poser ce n’est
pas : qu’est-ce que je suis prêt à prendre ? C’est : qu’est-ce
que je suis prêt à laisser ? Et la réponse est : tout.
Faisons
une petite expérience… Disons que j’ai beaucoup de choses importantes à vous
dire et que, pour ce faire, il faut que nous partions en chemin ensemble. Nous
allons faire un pèlerinage. Le pèlerin, c’est « celui qui se pèle »,
celui qui se retire des peaux. Cela implique que vous laissiez votre téléphone,
votre ordinateur, votre télé et qu’on parte sur les routes. On ne sait pas pour
combien de temps, et vous ne pouvez prévenir personne. Vous imaginez ce qu’il
vous passe par la tête ? C’est tout cela qui vous empêche de retirer vos
peaux. Cela ne veut pas dire que c’est mauvais, mais si votre vie devient le
choix des contraintes, vous allez avoir un problème.
Votre
premier travail sera d’être capable de vous vider. C’est la quête de l’être. Et
finalement, « être », c’est drôlement confortable. Par exemple :
un jeune homme s’inscrit dans une agence matrimoniale. Il met sur son
annonce : « Beau, vingt ans, riche, intelligent, cherche jeune femme ».
Il va avoir deux mille réponses. Mais en fait, il est petit, gros, bedonnant et
pauvre. Alors, quand les femmes intéressées vont le voir, elles vont dire :
« Ce n’est pas lui que j’attends. » Mais s’il avait mis :
« Petit, gros, bedonnant », il y en a peut-être deux qui seraient
venues mais cela aurait été les bonnes. Finalement, on gagne toujours à
« être ». Les gens vous disent : « J’aimerais bien que tu
changes », mais on ne peut pas changer, on ne peut que trouver le meilleur
de ce qu’on est.
Si
vous n’« êtes » pas, un jour, votre conjoint, vos amis, les gens qui
vivent avec vous voient une faille et mettent le doigt dedans : « Ah !
Je ne croyais pas que tu étais comme ça. » Tandis que quand vous êtes
comme vous êtes, si ça plaît, tant mieux, si ça ne plaît pas, au revoir !
Pensez-y :
à force de faire trop de concessions, elles deviennent perpétuelles ! Et
pensez à cela aussi : pour vivre heureux, il faut être à sa place. C’est cela,
« être ».
Aligné, pourquoi ? Parce qu’un
corps aligné laisse passer la lumière. Le meilleur exemple est celui du charbon
et du diamant. Ces deux corps sont absolument identiques puisque la brique
initiale qui les compose est le carbone pur. Alors pourquoi y en a-t-il un qui
est noir et mou, et l’autre dur et transparent ? Le matériau est le même
mais pas l’organisation. Le carbone est chaotique, c’est d’ailleurs pour cela
que vous avez l’impression que c’est gras quand vous touchez du charbon, Alors
que le diamant est aligné sur tous les plans. Or, une condition physique peut
devenir une condition métaphysique. On peut parler du droit chemin, par
exemple : il existe dans la matière et aussi à l’intérieur de notre corps.
C’est-à-dire que si l’on est capable de se rectifier, on laisse passer la
lumière sans résistance. Et à ce moment-là, on n’a plus de collision, on n’a
plus de frottement, on n’a plus de chaleur, on n’a plus d’inflammation. Mais on
a un état différent.
Vous
avez compris que pour perdre cette agitation, il va falloir être immobile, silencieux
et aligné. On peut y arriver grâce à des exercices, comme la respiration – ce n’est
pas un hasard si le soufre et le souffle sont si proches. On utilisera un
souffle sinusoïdal qu’on appelle la respiration seconde : on inspire
profondément et, derrière, il y a une autre inspiration. Une fois que l’on a
complètement inspiré, on laisse retomber les bras et, à ce moment-là, le souffle
entraîne le soufre vers l’extérieur et on dissipe son énergie.
On
peut se demander si cela marche aussi dans la matière ?… Considérons
quelqu’un qui manque de fer, ce n’est pas parce qu’il va sucer un clou qu’il
aura du fer. Bien que nos grand-mères, souvenez-vous, chauffaient un clou au
rouge, le jetaient dans l’eau, puis nous la faisaient boire. Est-ce que c’était
vraiment le métal ou l’esprit du métal qui passait dans l’eau ? Le plus
important, était-ce l’esprit ou la matière ? On peut se poser cette
question puisqu’on sait que le plus important dans la matière, c’est le plan, c’est-à-dire
le fond et non la forme. Peut-être que si l’on agit sur le plan, cela marche
mieux qu’en agissant sur la forme.
C’est
ce qu’a fait un alchimiste célèbre, Paracelse. Il a écrit un texte qui s’appelle
le Traité des signatures où il dit que
si vous avez mal aux reins, il faut aller dans la nature et y trouver une
plante qui a une forme de rein. Était-ce complètement stupide ? Non, puisqu’il
y a un plan commun, une information commune, ne serait-ce que dans la forme. On
peut se dire que si l’on a un problème de reins, c’est que le schème, c’est-à-dire
ce qui maintient en place la matière, est altéré. Peut-être qu’en lui montrant
la même forme, on « dés-altère » l’organe qui ne fonctionnait pas. Cela
paraît très curieux, pourtant lorsqu’on obéit au Traité des signatures et qu’on choisit les plantes en fonction de
leur forme, on y trouve effectivement des molécules qui soignent.
Ces signatures
sont aussi un procédé alchimique. Il existe sept modes de cristallisation parmi
tous les minéraux qui sont sur terre. Ce qui veut dire que les plantes aussi
cristallisent selon sept modes différents. Vous pouvez imaginer, lorsque vous
êtes malade, de prendre sept gouttes de votre substrat – sang, plasma,
urine… – et de les mélanger dans des coupelles à sept cristaux dont le mode
de cristallisation est différent et qui seront réduits en poudre. Cela fusera
dans toutes les coupelles sauf dans une, car le mode de cristallisation du
substrat correspond à celui d’une pierre. Après, on sait de quoi vous souffrez.
Si l’on fait la même chose avec des plantes – une goutte de substrat humain
pour une goutte de substrat végétal, cela fusera aussi dans toutes les
coupelles, sauf une. C’est un peu simpliste car il y a des plantes et des
maladies qui cristalliseront dans deux ou trois coupelles. C’est pour cela qu’on
mélange les plantes. On constate aussi qu’entre les plantes de culture et les
plantes sauvages, le mode de cristallisation n’est pas toujours le même, ce qui
veut dire que les traités du Moyen Âge ne sont plus forcément valables aujourd’hui.
De plus, les plantes cultivées et les plantes sauvages n’ont pas non plus les
mêmes vertus. Et dans la même plante, les feuilles, les tiges et les racines n’ont
pas le même mode de cristallisation. Vous voyez, c’est à la fois un phénomène
physique et métaphysique.
Les
Anciens disaient que chaque plante a un esprit particulier et que pour profiter
de ses propriétés, il faut que son esprit soit dedans quand on la mange. D’ailleurs,
posez-vous la question : pourquoi, avant, un jardinier laissait-il sur la
terre les pommes de terre qu’il avait arrachées, au lieu de les prendre tout de
suite ? Aujourd’hui, quand on le demande aux paysans, ils ne le savent
plus. Mais à l’époque, on disait : « Dès que je cueille une plante,
son esprit retourne aussitôt dans la terre. » Et comme c’est intéressant
de manger l’esprit du légume, il faut laisser ce qu’on a cueilli sur la terre.
Comme ça, pendant la nuit, l’esprit revient dedans et le lendemain, on peut
manger la plante avec son esprit. Faites l’expérience vous-même : arrachez
deux carottes de terre. Laissez-en une sur place et emmenez l’autre chez vous.
Le lendemain matin, venez chercher la première carotte puis goûtez les deux.
Vous constaterez qu’elles n’ont pas le même goût – devinez laquelle est la
meilleure ? Elles n’ont pas les mêmes vertus non plus, ni les mêmes
vitamines à l’intérieur. Il ne s’est rien passé de visible, pourtant
l’information a besoin de se recoaguler à l’intérieur de ce que l’on mange pour
qu’on en ait toutes les vertus.
D’un
point de vue purement mécanique, puisqu’en alchimie ce qui se passe dans un
règne se passe dans un autre, si vous manquez de fer, il ne suffit pas toujours
de capter son esprit, vous pouvez aussi avoir besoin du matériau fer. Et la
question est : comment faire pour le fixer d’un point de vue biologique ?
En alchimie, ce n’est pas compliqué : on va le végétaliser. C’est-à-dire
qu’on va le rapprocher de notre propre règne. Et si l’on est capable de le
rapprocher de notre propre règne, on pourra le fixer, alors qu’à l’origine ce n’était
pas possible.
Il
existe plusieurs façons de faire. La première : faites-le manger par un
animal, et quand vous mangerez la viande de l’animal, vous y prendrez les
éléments qui y sont animalisés. Mais vous prendrez son agitation aussi. Car si
un animal est élevé dans de mauvaises conditions, il est plein de soufre, et quand
vous allez le manger, vous assimilerez ce soufre. Mais si vous êtes capable de
rendre ce soufre transparent, vous aurez sauvé la bête. Manger un animal plein
de soufre, ça peut le libérer. Je laisse ça à votre réflexion…
Nous
avons une vision très humaniste des choses : « Je ne mange pas d’animaux
parce que les conditions dans lesquelles ils sont élevés sont très cruelles. »
Mais on n’hésite pas à manger une carotte vivante. Pourtant, le cri de la
carotte, c’est terrible. Mais comme ce n’est pas le même règne, on s’en fiche
un peu. D’ailleurs, on estime aussi que c’est moins grave de manger des
poissons, sans doute parce qu’ils ne crient pas… Je ne veux heurter personne,
mais je pense que s’il s’agit d’une philosophie, ce n’est pas forcément juste.
Par contre, si c’est parce qu’on n’a plus besoin de viande, c’est très bien.
Je
vous rappelle que manger quelque chose, ce n’est pas le détruire, c’est l’intégrer
à sa propre colonie. Finalement, à l’intérieur de vous, il y a un bout de
carotte ici, un morceau de lapin là. Vous avez décomposé puis recomposé l’intérieur
de votre corps. Donc vous êtes constitué.
Je
vous rappelle aussi que le corps n’existe pas. On n’est que le gérant
temporaire d’une copropriété de quarante milliards de milliards d’individus.
Donc, le matin, quand vous vous réveillez et vous regardez dans la glace en
disant : « Je suis tout seul, personne ne m’aime », vous n’êtes
que quarante milliards de milliards. Il est possible que Dieu se dise la même
chose en se réveillant : « Je suis tout seul, personne ne m’aime. »
Parce que, finalement, vous êtes le dieu de votre corps. Imaginez : la
moindre de vos pensées est relayée par toutes ces cellules qui croient en vous.
Ce qui veut dire que le jour où elles arrêtent d’y croire, vous vous faites
virer de la copropriété ! À ce moment-là, le corps se décompose, chaque
« moi » va vivre sa vie. Mais ça n’est pas perdu pour tout le monde
parce que les parties que vous avez vous-même mangées seront mangées par d’autres.
Donc,
finalement, ce sont toujours les mêmes choses qui se reproduisent. D’ailleurs,
je vous rappelle que vos cellules ayant un temps de vie bien plus court que votre
corps, vous n’en avez plus une seule d’origine. Cela veut dire que vous êtes
déjà mort de nombreuses de fois !
Le
rapport avec la mort est étrange. Vous avez remarqué qu’on se déteste soi-même ?
On se regarde dans la glace et on se dit : « Quelle horreur ! J’ai
un bouton sur le nez. J’aimerais bien avoir un autre corps. » Or, la seule
manière de changer de corps, c’est de mourir. Mais à l’idée de la mort, on
pense : « Je ne pourrais pas rester cinq minutes de
plus ? » Il faudrait savoir ce que l’on veut ! Essayez ça :
tous les matins, regardez-vous dans la glace, embrassez-vous et dites :
« Toi, je t’adore. Il est hors de question que je te quitte ! »
Adorer,
terme alchimique : apporter la
lumière. Quelqu’un que vous adorez, c’est quelqu’un qui vous éclaire. D’ailleurs,
lorsqu’on transmet, on éclaire, on ne brille pas. Éclairer, c’est ouvrir pour
laisser passer quelque chose. Pour briller, il faut être bien poli. Évidemment,
en étant bien poli, on n’existe qu’à travers le regard des autres, mais ce n’est
pas ce que l’on cherche.
Le
vrai maître est celui qui est transparent. On ne sait même pas que c’en est un.
Lui non plus. C’est celui qui traverse les apparences et qui n’a plus besoin de
ses parents – séparant. Vous l’entendez comme vous voulez ! On a la même
chose avec la mère – l’« amer » ou l’« âme erre » ?
Revenons
à la vache qui animalise du métal, par exemple en mangeant de l’herbe. Vous
remarquez que dès qu’un veau mange de l’herbe, sa chair devient rouge. Cela
veut dire qu’il y a du fer à l’intérieur. Alors que tant qu’il ne mange pas d’herbe
et qu’il tète sa mère, elle reste blanche. Ces veaux-là, hélas ! pour les
consommer, on est obligé de les gaver d’antibiotiques. Forcément, puisqu’ils n’ont
pas mangé d’herbe qui leur aurait donné du fer et toutes les capacités d’augmenter
leur système de protection.
On
va donc plutôt essayer de végétaliser la matière. De quelle manière
simple ? On va utiliser des acides organiques. Du vinaigre, par exemple,
qui est un acide acétique. On met le fer dans du vinaigre, ce qui va donner un
acétate de fer qui est biodisponible. Il suffira de récupérer ce liquide et
puis de le diluer pour pouvoir le consommer. À ce moment-là, on a du fer.
On
fait la même chose avec le calcium. Quelqu’un faisait cela très bien, c’est la
belle Cléopâtre. Vous vous souvenez qu’elle dissolvait des perles dans du
vinaigre. On se dit : qu’est-ce qu’elle était snob, celle-là ! Non,
car c’était un excellent produit. Les alchimistes appellent ça le vitriol des
sages. Aujourd’hui, on le fait avec des coquilles – on n’a plus les moyens de
le faire avec des perles ! On prend des coquilles d’huître, on les met
dans un vinaigre fort et on les oublie. On dit que c’est en digestion. Au bout
d’un temps, le vinaigre va acquérir les caractéristiques des coquilles, il va
devenir un acétate de calcium. Et quand vous allez prendre cet acétate de
calcium, il sera biodisponible. À quoi va-t-il servir ? Si vous faites de
l’ostéoporose, par exemple, cela vous permettra de capter un calcium
complètement naturel.
Voilà
donc des manières de végétaliser qui prouvent aussi qu’on fait de la
transmutation. Car la transmutation existe, c’est une réalité. Les étoiles
fonctionnent comme cela, c’est la transmutation radiochimique : des
espèces d’immenses forges cosmiques qui, en rapprochant les atomes, fabriquent
tous les éléments. Nous, nous avons un tout petit soleil qui n’a que vingt-six
éléments. Mais on a d’immenses forges cosmiques qui fabriquent tous les
éléments qu’on connaît. La transmutation existe même chez les poules. Prenez
une poule et sevrez-la de calcium, que va-t-elle faire ? Des œufs avec des
coquilles molles, forcément, puisque les coquilles sont faites de calcium.
Alors on les lâche dans la nature et la première chose qu’elles font est de
picorer des cailloux. Après, elles font des coquilles dures. Mais c’est bizarre
car ce qu’elles ont picoré n’est pas du calcium, c’est de la silice. Alors,
d’où vient le calcium à partir de la silice ? C’est une transmutation :
la poule a été capable de passer d’un élément à un autre.
La photosynthèse,
c’est encore plus beau puisqu’il s’agit de transmuter de la lumière en matière.
Vous pouvez faire cette expérience : prenez une graine de haricot et pesez-la.
Mettez-la dans un récipient avec du coton autour. Ajoutez de l’eau que vous
avez pesée et laissez pousser. Bien sûr, cela va pousser jusqu’à ce qu’il n’y
ait plus de réserves dans le haricot. Puis la plante va mourir. Pesez-la à ce
moment-là. Elle sera plus lourde que l’eau plus la graine de haricot d’origine.
D’où vient la différence ? De la lumière qui a été transmutée en matière.
Cette
transmutation, on la vit tous les jours à travers nos systèmes. Souvenez-vous, pour
un enfant un peu chétif, on prenait des coquilles d’œuf qu’on mettait dans du
jus de citron. Quand cela avait fini de mousser, on lui donnait à boire et
petit à petit, il allait mieux. Évidemment, il avait bu du citrate de calcium.
L’acétate
de fer, l’acétate de calcium, le citrate de calcium, des produits très
intéressants à l’intérieur de notre corps, qui nous permettent, d’une manière
simple et entièrement empirique, de nous faire du bien. C’est un survol
pratique de l’alchimie, sachant que celle-ci est avant tout une voie
philosophique, et que travailler sur la matière permet de travailler sur notre
esprit. C’est pour cela que l’alchimiste œuvre dans un laboratoire : moitié
labeur et moitié oratoire, moitié dans la matière et moitié dans l’esprit. On
peut dire que la différence entre la chimie et l’alchimie, c’est qu’en alchimie
l’expérimentateur a une place dans l’expérience, mais aussi que l’expérience a
une place dans l’expérimentateur.
Pour
l’alchimiste, quand le métal dans le creuset ne veut pas fondre, c’est énervant.
Toutes ses émotions sortent. Or, même dans les métaux absolument purs, on
trouve des scories. D’où viennent-elles ? De l’expérimentateur. Car on est
capable de cristalliser, de densifier à l’intérieur de nos métaux ces émotions
qu’on a à l’intérieur du corps. Donc, l’opération alchimique est une manière d’extérioriser
et d’accomplir ce travail plus facilement à l’intérieur de notre corps qu’à l’extérieur.
L’alchimiste
cherche l’intensité du moment présent, c’est-à-dire ce qu’on appelle le
bonheur. Mais il y a un problème avec le bonheur, c’est qu’il n’arrive que lorsque
vous êtes en dehors du temps, de l’espace et de la matière. Chaque fois que
vous avez vécu un moment de bonheur, vous étiez immobile, silencieux et aligné.
Je ne parle pas de plaisir. Le plaisir, c’est l’émotion, c’est l’agitation, le
contraire du bonheur. D’ailleurs, si vous transmettez quelque chose, vous le
faites avec des émotions, puisque les émotions sont l’énergie qui grave le
souvenir. C’est pour ça que celui qui transmet le fait « en saignant »
– les enseignants qui me lisent le savent bien ! Celui qui transmet donne
son sang, son sang rouge. D’ailleurs, s’il racontait n’importe quoi, il ferait
semblant – « sang blanc ». Et ce n’est pas un jeu, c’est vraiment
quelque chose d’important.
Je
joue beaucoup sur les mots mais je ne peux pas résister à l’envie, juste pour vous
détendre, pour vous amuser. S’amuser étant s’user l’âme – « âme usée »,
bien sûr. Comme l’âme est un réservoir de soufre, le but du jeu est de vider
son âme pour laisser passer la lumière qui est derrière.
On
se pose toujours la question de la différence entre l’âme, le corps et l’esprit.
Imaginez l’esprit comme un photophore, une bougie ; le corps comme des
plaques de verre ; et l’âme comme ce qui salit ces plaques. Toute la
lumière qui en sort vient, en réalité, de la même bougie. Il n’y a qu’un seul
être. Les corps sont multiples et les âmes sont multiples. Le but du jeu, c’est
de nettoyer les plaques de verre pour bien voir à travers. Et à force de voir à
travers, la plaque elle-même va disparaître. C’est le but du jeu. Le problème est
qu’il n’y a pas une seule plaque de verre mais sept, et que ce n’est pas
forcément la première qui est sale. On voit les pathologies qui en découlent.
Évidemment,
tout cela est très métaphysique mais débouche aussi sur des choses physiques. La
quête de l’alchimiste, celle du bonheur, c’est cette quête d’immobilité.
Souvenez-vous encore une fois des moments de bonheur où vous étiez immobile.
Quand le mental arrive à l’intérieur, tout est à sa place, et vous aussi. Et si
vous vous posez la question de savoir pourquoi vous êtes bien, vous ne l’êtes
plus. C’est le syndrome de la meilleure confiture, celle de votre grand-mère :
vous en retrouvez un pot, vous la goûtez et, finalement, elle n’est pas aussi terrible
que dans votre souvenir. Ce n’est pas la faute de la confiture, c’est en
rapport avec l’ensemble, cette espèce de phénomène de stase, d’équilibre. C’est
cela qu’on cherche.
En
alchimie, on parle de la voie du milieu : ni bien ni mal, mais juste.
La
voie on l’entend. La voie, on la voit. Et la voie, on la suit. Encore une
fois : trois pas sages pour l’apprenti sage, bien sûr après il pourra
trépasser. Lorsqu’il aura trépassé, il changera d’état. Et chaque fois qu’on
change d’état, on tombe. On est toujours en mouvement.
Vous
avez remarqué la chute de l’ange ? Il tombe. On tombe. On tombe malade. On
tombe amoureux. On tombe enceinte. On tombe raide mort. C’est pour cela que, lorsqu’on
est tombé dans sa tombe, on peut décrypter. Parce que décrypter, c’est « sortir
de la tombe ». On va rassembler ce qui est à l’extérieur et ce qui est à l’intérieur,
ce qui est, peut-être, le grand secret, finalement. Or, ce qui est à l’intérieur
de nous, c’est étrange, c’est l’être ange. Et si je fais le lien entre l’intérieur
et l’extérieur, souvent on appelle ça les anges. Mais les anges, on sait où ils
sont : « en je » (ange). On n’a pas besoin d’aller les chercher
ailleurs. Et si je fais le lien entre l’intérieur et l’extérieur, ça sera l’« arc
en je » (archange). Les deux ne feront qu’un et ce sera le « bi un »
(bien).
La
quête de la pierre philosophale, finalement, c’est la quête du Graal, parce que
le mot Graal veut dire « gale », la pierre, et « al », haut,
dessus. Donc au-dessus de la pierre. En quelque sorte, une voie de chevalerie.