Et si ne consommer que du végétal était un
acte de destruction massive pour la planète ? Et si la consommation excessive
de végétaux nuisait à notre santé ? Lierre Keith qui a été végétalienne durant
20 ans. Petite agricultrice et féministe, elle pose un constat alarmant sur
l’état d’une planète qui se perd à travers une mono culture agricole intensive.
De plus, selon l’auteure du « Mythe végétarien », l’alimentation basée uniquement
sur le végétal pourrait bien avoir ses limites sur la bonne santé.
Vous parlez d'une forme d'hypocrisie au
sein du végétarisme. Ne considérons-nous pas les plantes vivantes comme nous considérons les animaux vivants ?
Lierre Keith : Les plantes sont aussi
vivantes que des animaux. Parce qu'elles ne peuvent pas se mouvoir ou
s’exprimer, beaucoup de gens ont du mal à comprendre qu'elles sont des êtres
sensibles. Les Grecs anciens avaient déterminé une hiérarchie plaçant les
humains au-dessus, les animaux ensuite
puis les plantes avant la terre. Le sol comporte l’ensemble des espèces
la plus dense de l'habitat de notre planète ! Quatre-vingt-cinq pour cent de
toute la vie terrestre vit dans le sol. Et ces variétés font la vie et la
base du renouvellent de notre planète.
Les Grecs ne pouvaient pas avoir plus tort. Les plantes ressentent des stimuli
et y répondent. Il y a une chimie qui leur permet de communiquer entre elles et
même de se protéger. Si une plante, au sein d’un groupe en quelque sorte, est
attaquée par un insecte, elle avertira ses voisines pour qu’elles puissent
commencer à produire des toxines de protection. Grâce à leurs racines, les
plantes voisines seront capables de dégager les substances dont elle a besoin
pour éconduire l'insecte agresseur. Il y a, comme ça, un nombre incalculable d’interactions entre
les membres du règne végétal. Je vis
dans une forêt de séquoias. Il y a, de temps en temps, des séquoias albinos
dénué du gène qui crée la chlorophylle. Ils n’ont pas les moyens de synthétiser
la lumière nécessaire à leur existence. Comment pensez-vous qu’ils puissent
survivre sans énergie ? Les autres séquoias, afin de conserver les albinos
vivants, leur diffuse des nutriments par les racines. Certes, ces arbres ne
poussent pas autant et subsistent moins longtemps, mais ils sont vivants, parce
que « leur communauté » se soucie d'eux.
Vous dites que la consommation de plantes a
induit l’industrie agricole à développer des monocultures de masse. Quelles en
sont les conséquences pour la planète ?
Lierre Keith : Les gens doivent comprendre ce qu’est
l'agriculture. Prenez un morceau de terre, débarrassez-le de tous êtres
vivants, et puis semez pour une consommation humaine, c’est une forme de nettoyage
ethnique de certaines formes de vie. Des millions de plantes, d'animaux et de
micro organismes n’ont plus de milieu naturel et cela conduit inévitablement à
l’extinction de races, de variétés et formes de vie. Deux cents espèces
disparaissent chaque jour. Les humains ont fait de l’agriculture l’arme la plus
destructrice de la planète. Nous n’avons pas le droit de détruire autant de
formes vivantes. Ce n’est pas un plan d’avenir que de créer une terre où les
humains ne sauront plus où aller pour survivre. Lorsque nous aurons saccagé
notre planète, ce sera la fin pour nous aussi. L’agriculture répond à la
demande d’une civilisation dans le sens de la vie des hommes de la cité. Les
humains demandent à la terre de leur donner encore plus et les villes ont besoin
de leur propre consommation. Il faut bien trouver la nourriture, l’eau ou
l’énergie quelque part. Si l’Homme a des valeurs plutôt pacifistes, la société,
elle, est dépendante de l'impérialisme
et du génocide. C’est une manière de résumer 10 000 en quelques mots. La fin de
chaque civilisation inscrit dans son démarrage. Nous modifions les forêts,
nous labourons les prairies, nous séchons les zones humides… en fait nous
détruisons le sol. Une civilisation dure entre 800 et 2000 ans. Imaginez le
temps qu’il faut pour que la terre soit à nouveau fertile. Les conséquences
pour la planète sont donc désastreuses.
Et pour notre santé ?
Lierre Keith : En matière de santé, notre civilisation
marque le début du militarisme, de l'esclavage, et d’une faim
institutionnalisée. L'agriculture est devenu l’objet d’un travail éreintant
pour une mauvaise nutrition. Partout dans le monde, les preuves archéologiques
sont très parlantes. Le premier constat qui saute aux yeux lorsque l’Homme a
commencé à faire de l’agriculture, c’est qu’il a rapetissé et qu’il a vu ses
dents tomber. Nous avons un concept appelé «Les maladies de civilisation."
Aucune notion ne correspond «maladies de chasseurs-cueilleurs ». Le médecin de
Napoléon Bonaparte, Stanislas Tanchou, a fait une étude sur l’importance des
cancers. Il s’est aperçut qu’ils étaient plus nombreux dans les villes que dans
les zones rurales. Il a écrit, «Le cancer, comme la folie, semble augmenter
avec les progrès de la civilisation."
A l’image de l’Inde qui s’assèche, les
cultures céréalières sont-elles responsables d’un changement écologique ?
Lierre Keith : Nous retirons toutes espèces de vie sur la
terre pour y semer les espèces que les humains préfèrent. L'évolution des
vertébrés est arrivée à son apogée car ils n’ont plus l’espace suffisant pour
vivre ensemble. Il existe, par exemple,
des zones en Chine, où toutes les plantes à fleurs ont disparu parce que
tous les pollinisateurs sont morts. Voilà l’évolution de 500.000.000 d’années
disparue.
En quoi la culture céréalière et son besoin
d’eau sont-ils des tueurs ?
Lierre Keith : Les grandes régions de culture céréalière
du monde utilisent maintenant ce qu'on appelle l'eau fossile. C’est une eau
présente dans une réserve naturelle, dite aquifère, antécédente à la vie
humaine. Pour pomper cette eau, il est nécessaire d’installer un forage
pétrolier. IL faut comprendre que derrière cela, il y a une urgence à la prise
de conscience.
Diriez-vous que l'eau est déjà une denrée
rare ?
Lierre Keith : Oui. Nous défendons une culture alimentaire
locale et naturelle, mais ce type d’ambition répond-t-il véritablement aux
besoins croissants de notre population accroissante ?
Rien ne peut répondre aux
besoins de la population actuelle. Voilà ce à quoi nous devons faire face.
Depuis 10 000 ans l’humanité s’est accrue. Aujourd’hui six milliards d’humains
utilisent des combustibles fossiles et notre carburant va manquer. Pour y
remédier nous nous moquons bien de la destruction que nous causons. Si nous
continuons ainsi les Océans seront vidés de leurs poissons en 2048. Nous sommes
en train de rogner l’os de notre planète. En regardant cette réalité en face ,
nous pouvons réparer ce qui a été détruit. Les femmes ont besoin de contrôler
les naissances. En considérant les femmes par le monde, et en octroyant
l’éducation et surtout la liberté, elles choisiront d’avoir moins d’enfants.
Pour sauver la planète nous allons devoir avoir un combat féministe. Nous ne
devons pas vivre face à la planète, mais avec la planète.
L’une des solutions pour être sûr de ne
rien tuer pourrait être le concept du « respirianisme », c’est à dire ces
personnes qui ne se nourrissent que de lumière. N’est-ce pas une dérive extrême et dangereuse ?
Lierre Keith : Les gens qui ne mangent pas, meurent. C’est
ridicule, nous ne fabriquons pas de photosynthèse. Nous sommes incapable de
produire notre propre énergie. Il nous faut donc manger.
Votre livre « Le mythe végétarien » dénonce
une hypocrisie entre la culture d’une nourriture sans produit animalier, chez
les végétaliens, et la consommation de
produits céréaliers dont l’exportation
peut être très néfaste à l’écologie. Où en est-on de cette prise de
conscience là ?
Lierre Keith : Les gens adoptent le végétalisme parce
qu’ils pensent prendre position pour les animaux, la terre et l'homme. Les valeurs que sous-tendent
l'éthique de cette alimentation, la justice, la compassion, la durabilité, ne
sont pas le problème. Le problème, c’est que le végétalisme n’est pas une
solution. Il contribue à cette destruction massive. J’encourage vivement tous
les végétaliens et les végétariens à se poser les bonnes questions, celles qui
nous ramènent au problème de l’agriculture et des civilisations.
Vous avez pratiqué le végétalisme depuis 20
ans, et vous dites maintenant que cela peut causer des dommages sur notre
santé. Quel est le problème du végétalisme ?
Lierre Keith : Il y a deux gros problèmes, l'excès et les
carences. L'excès vient du niveau très fort en glucides. Le corps humain n'a
jamais été conçu pour gérer une telle quantité de sucre chaque jour. C’est la
cause des maladies de civilisation. Les niveaux élevés d'insuline provoquent le
diabète, créer l'inflammation qui mène à des maladies cardiovasculaires, ou
nourrit le cancer. Le cancer se délecte du sucre. Il n’y a donc pas de surprise
de ne presque pas en trouver chez les chasseurs-cueilleurs alors que l’on note
une véritable épidémie parmi les agriculteurs. Les carences se trouvent dans
tout ce que le modèle humain a besoin pour son fonctionnement, les protéines,
les graisses animales, les vitamines liposolubles (A et D), ou encore les
minéraux. La chair musculaire renferme dix à cent fois plus de nutriments que
les aliments végétaux. Quand les gens choisissent une alimentation végétarienne et végétalienne leur cerveau
rétrécit de 5%. Ils ne disposent pas de suffisamment de graisses animales de
bonne qualité et leur corps cannibalise ses propres tissus.
Vous dites que « le devoir de ne pas tuer
», particulièrement présent dans la culture végétalienne, est finalement un concept humain. Les plantes
tues pour se défendre entre elles. La nature a-t-elle moins de cas de
conscience avec la mort ?
Lierre Keith : Dans la nature, pour que quelque chose de
vivre, quelque chose d'autre doit mourir. La mort n’est jamais gratuite, elle a
toujours un sens de vie. Il faut choisir entre faire acte de mort pour vivre ou
pour détruire.
Comment peut-on sauver notre système
agricole et s’harmoniser avec notre alimentation ?
En repérant les fermes qui ont une démarche
juste et en les soutenant. L’élevage de plein air réduit les effets du carbone.
Les conservations de la nappe phréatique, protège les voies navigables,
restaure l'habitat d’une multitude de créatures et fournit une nourriture
harmonieuse pour le modèle humain. Cette consommation aide au développement des
petits agriculteurs et à l’économie locale. Il n'y a donc aucune raison de ne pas se tourner vers cette démarche.
Interview réalisée par Florent Lamiaux
Média + : « Le mythe végétarien » de Lierre Keith
(Editions Pilule Rouge)